François Fillon a mis un coup d'arrêt, vendredi 5 décembre, au projet d'emprisonner des mineurs dès l'âge de 12 ans, prévu par la commission Varinard, chargée d'une réflexion sur la réforme de la justice des mineurs. Le premier ministre désavoue du même coup la ministre de la justice Rachida Dati, qui apparaît de plus en plus fragilisée.
"Je crois qu'il faut que les choses soient très très claires, je suis totalement hostile à ce que l'on mette en prison des enfants de 12 ans et le gouvernement n'a pas de projet pour modifier la législation en ce sens", a dit le premier ministre lors d'une conférence de presse, qui portait sur le plan de relance. "Il y a un débat qui a été ouvert à la demande du gouvernement et à la demande du président de la République sur la rénovation des textes qui concernent la majorité pénale. C'est un débat qui est important, qui va avoir lieu, dont on tirera toutes les conséquences, mais je dis tout de suite qu'il n'est pas question que ses conséquences aboutissent à la mise en prison d'enfants de 12 ans", a-t-il encore précisé. Selon le premier ministre, "il y a d'autres solutions pour traiter y compris les cas les plus extrêmes de violences concernant les enfants de 12 ans".
La fermeté de la déclaration de François Fillon est undésaveu de la ministre de la justice Rachida Dati, qui était loin de s'indigner de cette mesure, lors de la remise officielle du rapport, mercredi dernier. "Dire qu'un mineur d'aujourd'hui peut justifier une sanction pénale à partir de 12 ans me semble simplement correspondre au bon sens", avait expliqué la ministre en précisant : "La sanction n'est pas forcément la prison. Mais les juges pour mineurs doivent pouvoir disposer d'une palette de réponses adaptées à tous les cas. On fixe un âge, on fixe une palette de sanctions qui va jusqu'à l'incarcération, mais dans des règles tout à fait établies et très claires pour tout le monde." Dans un communiqué publié vendredi, après l'intervention de M. Fillon, la chancellerie indique que la garde des sceaux "ne s'est en aucune façon prononcée sur l'incarcération des mineurs de 12 ans. Rachida Dati avait clairement indiqué que la possibilité d'une sanction pénale n'impliquait pas l'incarcération."
La possibilité d'emprisonner des enfants de 12 ans, au lieu de 13 ans aujourd'hui, a déclenché une très forte indignation, des milieux associatifs, scientifiques ou politiques. La commission présidée par le recteur André Varinard propose de fixer un âge de responsabilité pénale à 12 ans. Il était jusque-là laissé à l'appréciation du juge, en charge d'établir la capacité de discernement de l'enfant. En 2006, 432 enfants de 11 ans et 1 280 jeunes de 12 ans ont été condamnés par les tribunaux pour enfants.
Pour la commission, "le mineur de plus de 12 ans sera présumé pénalement responsable dans les mêmes conditions qu'un majeur". C'est sur cette base qu'elle avait rendu possible l'incarcération des mineurs criminels de plus de 12 ans - une quinzaine de cas par an, selon M. Varinard -, à laquelle le gouvernement a renoncé. La commission prévoit aussi le placement en garde à vue pendant 24 heures, renouvelables sous conditions, dès l'âge de 12 ans.
"L'annonce de François Fillon est une bonne nouvelle, estime Catherine Sultan, présidente de l'Association française des magistrats de la jeunesse et de la famille. Cela montre le côté déraisonnable de l'emprisonnement à 12 ans. Pour paraphraser madame Dati, c'est du bon sens d'y renoncer. Mais de nombreux points sont inquiétants dans le rapport, qui veut des structures plus contenantes pour les enfants de 10 ans et affiche une volonté de tolérance zéro pour les mineurs qui est grave."
La mise au point très ferme de François Fillon fragilise un peu plus la garde des sceaux, qui connaît un automne noir. Rachida Dati est ouvertement critiquée par la plupart des professions judiciaires, à commencer par les magistrats et les directeurs de prison. Alors qu'il est question d'un remaniement ministériel, la ministre semble accumuler les maladresses sous l'oeil de l'Elysée, conscient de l'importance du symbole qu'elle représente, mais aussi des difficultés qu'elle provoque.
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