Hadopi: le conseil constitutionnel rejette la coupure de l'accès internet10.06.2009 Le Conseil constitutionnel a réduit mercredi à néant la portée de la loi Hadopi, en censurant la coupure d'accès internet par une autorité administrative en cas de téléchargement illégal, au grand dam de Nicolas Sarkozy, qui avait fait du texte une priorité.
Seuls les juges peuvent décréter une telle coupure d'abonnement, qui entrave le droit de communication inscrit dans la déclaration des droits de l'homme, ont tranché les sages du Palais Royal, donnant raison à l'opposition.
Ils ont ainsi infligé un cinglant camouflet à l'exécutif, notamment la ministre de la Culture. Ni l'Elysée ni Matignon n'ont réagi, mais Christine Albanel, qui avait bataillé pour le texte, a "pris acte" du "choix du Conseil constitutionnel". Elle a annoncé qu'elle entendait "compléter rapidement la loi", pour confier au juge le dernier stade de la "réponse graduée".
Adoptée définitivement le 13 mai, au bout d'un processus long et heurté, la loi crée une "haute autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur internet" (Hadopi).
L'autorité administrative était dotée de deux pouvoirs: avertissement aux "pirates" et sanction (suspension de l'abonnement). Le premier a été préservé par le Conseil, le second jugé inconstitutionnel.
En effet, pour les Sages, Internet, vu son développement, participe désormais "à la vie démocratique", à "l'expression des idées et des opinions". En conséquence, "la liberté d'accéder à ces services de communication au public en ligne" ne saurait être restreinte que sur décision de justice.
Une position déjà exprimée par les députés européens qui, le 6 mai avaient estimé à une énorme majorité que les droits fondamentaux des internautes ne pouvaient être restreints "sans décision préalable des autorités judiciaires".
Pour Mme Albanel, au contraire, l'accès à internet ne pouvait "être considéré comme un droit fondamental".
Autre motif retenu par le Conseil: la loi censurée méconnaît la présomption d'innocence puisqu'elle prévoit de sanctionner le titulaire du contrat d'abonnement à internet. Il revenait à ce dernier de prouver qu'il n'était pas l'auteur des téléchargements illégaux. Un "renversement de la charge de la preuve" inconstitutionnel, pour les Sages.
Cette censure - sans doute la plus importante depuis l'arrivée de Nicolas Sarkozy à l'Elysée - a suscité une pluie de réactions politiques. "C'est Nicolas Sarkozy qui est censuré", s'est réjoui le PS, auteur de la saisine.
Le 9 avril déjà, les députés PS avaient créé une énorme surprise en rejetant le texte à main levée, après s'être assurés d'une provisoire supériorité numérique à l'Assemblée. Le gouvernement l'avait rapidement fait réinscrire, traduisant l'importance que lui accordait le président.
Le milieu artistique - chanteurs, acteurs, cinéastes... - souvent considéré à gauche, s'était déchiré sur la pertinence de sanctions contre les téléchargements illégaux violant les droits d'auteur.
Mercredi, le Snep, qui regroupe les "majors" du disque, a exprimé sa "déception". Les producteurs indépendants se sont dits "consternés". Mais l'association de consommateurs UFC-Que choisir a salué une décision de "sagesse".
Dominique Rousseau, professeur de droit constitutionnel, a qualifié de "très importante" la décision, "la censure la plus sévère depuis une bonne dizaine d'années".
AFP
Source : Infor-Mania